Cavernomes Rétiniens et Cérébraux Héréditaires

Définition

Les cavernomes (ou angiomes caverneux) sont des malformations vasculaires capillaro-veineuses constituées de petites cavités gorgées de sang. Il s’agit le plus souvent de lésions bien limitées grossièrement sphériques ayant l’aspect d’une ‘framboise’ à l’œil nu. Leur taille varie de quelques millimètres  à quelques centimètres. Les cavernomes sont principalement retrouvés dans le cerveau mais peuvent être localisés dans la moelle épinière et plus rarement en dehors du système nerveux central (rétine, peau, nerfs périphériques, etc…). Les cavernomes cérébraux peuvent se compliquer d’hémorragies cérébrales de petite taille en raison d’une circulation au sein des cavernes à très faible débit.

Dans 40% des cas, on observe à proximité du cavernome une malformation veineuse souvent appelée ‘anomalie veineuse de développement’ qui ne s’accompagnent d’aucun symptôme clinique.

On distingue deux formes de cavernomatose cérébrale :

  • la forme sporadique caractérisée par l’existence d’une lésion habituellement unique et par l’absence de contexte familial
  • et la forme familiale caractérisée cliniquement par la présence de lésions multiples et par l’existence d’au moins un apparenté ayant aussi des cavernomes. A ce jour, trois gènes sont impliqués dans ces formes héréditaires.

Epidémiologie

La prévalence des cavernomes cérébraux est estimée à environ 0,5% dans la population générale. On retrouve une prévalence identique chez les enfants. Les cavernomes représenteraient entre 5 et 10% de l’ensemble des malformations vasculaires cérébrales.

Vingt pour cents environ des patients ayant un diagnostic de cavernome sont atteints d’une forme génétique de l’affection. A ce jour environ 430familles non apparentées ont été identifiées en France. Les cavernomes sont observés à tous les âges de la vie mais les formes découvertes dans l’enfance (avant l’âge de 18 ans) représentent au moins 25% des cas.

Description clinique

Forme sporadique

La plupart des cavernomes restent asymptomatiques, leur découverte est alors fortuite. Ils deviennent symptomatiques généralement entre la troisième et la cinquième décade. Les symptômes les plus fréquents comprennent des crises d’épilepsie et des symptômes neurologiques focaux en rapport avec la survenue d’hémorragies cérébrales ou la compression locale du tissu cérébral par la malformation.

L’histoire naturelle des cavernomes reste mal connue. Certains auteurs estiment cependant que seulement 5% des sujets ayant un cavernome isolé présenteront un jour des manifestations cliniques en rapport avec cette lésion. Certains facteurs comme le nombre, la localisation et la taille des cavernomes influenceraient par contre le risque de survenue de ces manifestations.

L’épilepsie est la manifestation la plus fréquente au moment du diagnostic (50%). Le risque épileptique est particulièrement lié à la localisation des cavernomes. Il est plus élevé lorsque les cavernomes sont situés à proximité du cortex cérébral. Il peut s’agir de crises d’épilepsie partielles ou secondairement généralisées. Le plus souvent il s’agit d’une crise unique ou de crises répétées mais peu nombreuses qui conduiront à la mise en place d’un traitement antiépileptique.

Les hémorragies cérébrales sont le plus souvent de faible abondance et peu symptomatiques. Le risque de saignement est plus élevé chez les patients symptomatiques en particulier chez ceux ayant déjà présenté une hémorragie. A titre d’exemple, chez les enfants et les adultes de moins de 25 ans porteur de cavernome, le risque de saignement a été évalué à 1.6% par an globalement, à 8% par an en cas de cavernome symptomatique et à 0.2% par an en cas de découverte fortuite.  Le saignement peut survenir à l’intérieur du cavernome contribuant à l’augmentation de taille de la malformation ou s’étendre, de façon limitée, directement au sein du tissu cérébral sous la forme d’une fine couronne. Plus rarement, l’hémorragie est volumineuse et s’accompagne de symptômes neurologiques d’installation brutale (céphalées, vomissements, paralysie d’un hémicorps, troubles du langage, troubles visuels,…).

Les conséquences de l’hémorragie varient en fonction de la localisation du cavernome. L’atteinte du tronc cérébral est la plus grave, elle peut être responsable de symptômes variés (troubles de la vigilance, vision double, troubles de l’équilibre et de la coordination, etc…) et peut parfois aboutir à la mise en jeu du pronostic vital. La prise d’un traitement anticoagulant augmente le risque hémorragique. Le rôle de la grossesse comme facteur aggravant  n’est pas clairement établi.

L’augmentation de volume du cavernome est liée à la répétition des microhémorragies ou à la croissance même de la malformation. Elle s’accompagne parfois de symptômes neurologiques focaux dont la nature et la sévérité dépendent essentiellement de leur localisation (hémiplégie, troubles visuels…).

La survenue de céphalées chez des patients ayant un ou plusieurs cavernomes peut être d’interprétation délicate en l’absence d’hémorragie importante.

Forme familiale

Pour les cavernomes familiaux, la survenue de manifestations cliniques apparait beaucoup plus fréquente que pour les formes sporadiques et concernerait près de 50% des patients.

Les symptômes sont identiques à ceux rapportés dans les formes sporadiques: crises d’épilepsie, hémorragies cérébrales, déficits neurologiques et céphalées. Les premières manifestations cliniques sont plus précoces et surviennent le plus souvent avant l’âge de 30 ans. La fréquence des hémorragies apparaît aussi plus élevée. Elle est estimée à environ 4% par année et par patient.

Le pronostic fonctionnel au cours des formes familiales semble moins lié au nombre de cavernomes qu’à leur localisation. En l’absence d’atteinte du tronc cérébral, le pronostic à long terme semble favorable avec une autonomie préservée chez environ 80% des patients.

Les cavernomatoses cérébrales d’origine génétique s’accompagnent parfois de manifestations extraneurologiques (cavernomes rétiniens et localisations cutanées en particulier). La fréquence d’une association cérébrale et rétinienne est estimée à 5 % de l’ensemble des patients ayant une forme héréditaire de cavernomes. Les cavernomes rétiniens sont en général unilatéraux, le plus souvent asymptomatiques et non évolutifs. Ils peuvent être observés isolément, sans atteinte cérébrale associée. Les lésions cutanées classiquement décrites sont très particulières et constamment associées à une atteinte centrale : il s’agit de malformations capillaires, de malformations cutanées capillaro-veineuses hyperkératosiques et de malformations veineuses. Dans environ 90% des cas, ces malformations vasculaires cutanées sont observées chez des patients porteurs d’une anomalie du gène KRIT1 (voir chapitre suivant). Enfin, un phénotype lié à l’atteinte du gène CCM3 et associant de multiples lésions de la dure-mère proches de méningiomes à une cavernomatose cérébrale a été rapportée dans quelques familles.

Etiologie/physiopathologie

L’origine précise des cavernomes isolés (sporadiques) demeure indéterminée. Dans les formes familiales, trois gènes des cavernomes appelés CCM (cerebral cavernomatous malformations) ont été identifiés : le gène KRIT1 ou CCM1 et le gène MGC4607 ou CCM2 situés sur le chromosome 7 le gène PDCD10 ou CCM3 situé sur le chromosome 3.

Dans environ 50% des cas, la mutation siège dans le gène CCM1, dans 15% des cas dans le gène CCM2 et dans 10% des cas dans le gène CCM3.

Chez 5 % seulement des patients ayant une cavernomatose familiale, le criblage de ces 3 gènes ne met en évidence aucune mutation. Ces formes « sans mutation identifiée» sont pourtant selon toute vraisemblance des formes génétiques et pourraient être expliquées par : 1) l’existence d’autres gènes CCM qui ne sont pas encore identifiés, 2) l’existence de mutations qui ne peuvent être détectées actuellement par le seul séquençage des régions codantes d’un des 3 gènes CCM, 3) par la possibilité de mosaïques (certaines cellules contiennent la mutation, d’autres ne la présentent pas).

Chez 40% environ des patients ayant une cavernomatose multiple mais n’ayant pas d’histoire familiale, le criblage de ces 3 gènes ne met en évidence aucune mutation. Les hypothèses mentionnées dans le paragraphe précédent restent valables mais cette situation suggère également que les lésions cérébrales identifiées à l’imagerie pourraient différer dans certains cas de cavernomes authentiques.

Dans certains cas, la mutation peut apparaître de novo chez un patient dont aucun des 2 parents n’est malade. Le patient présente alors les signes habituels d’une cavernomatose multiple et peut transmettre à sa descendance la mutation responsable de la maladie.

Diagnostic

Imagerie du cerveau

L’imagerie par résonnance magnétique (IRM) du cerveau est l’examen de référence pour le diagnostic des cavernomes cérébraux. La séquence écho de gradient (T2*) est de loin la plus sensible pour identifier des cavernomes en raison de sa grande sensibilité pour détecter les traces de saignements dans le tissu cérébral. L’IRM permet d’autre part, non seulement de poser le diagnostic, mais aussi de dater l’hémorragie, de surveiller l’évolutivité du ou des cavernomes et de mettre en évidence une anomalie veineuse de développement associée.

Une classification en 4 catégories a été proposée. Elle est basée sur l’apparence en IRM du cavernome (hyperintense, hypointense) sur différentes séquences (T1, T2, écho de gradient). A chaque type correspond une information concernant les caractéristiques du cavernome (type I : saignement récent, type II : lésions hétérogènes avec saignements et thromboses d’âges variables, type III : saignement ancien, type IV : aspect évoquant un cavernome en voie de constitution)

Les études de suivi des cavernomes familiaux ont confirmé le caractère dynamique de ces malformations en imagerie cérébrale. L’évolutivité des cavernomes peut se traduire par l’apparition de nouvelles lésions ou par des modifications de leurs caractéristiques (en particulier de leur taille). La mise en évidence d’une prolifération endothéliale en périphérie des cavités vasculaires suggère que des phénomènes d’angiogénèse pourraient être impliqués dans l’augmentation du volume de certains cavernomes.

Imagerie des vaisseaux

Les cavernomes ne sont pas visualisés avec les techniques d’angiographie (angioscanner, angiographie par résonance magnétique ou artériographie cérébrale) car la circulation au sein des « cavernes » (cavités composant le cavernome) se fait à bas-débit et les vaisseaux alimentant la malformation sont de très petites tailles. L’imagerie des vaisseaux du cerveau est parfois nécessaire pour éliminer un autre type de malformation vasculaire. Cet examen révèle parfois une anomalie veineuse de développement associée au cavernome.

Diagnostic génétique

L’identification des gènes CCM rend aujourd’hui techniquement possible le criblage de ces 3 gènes en pratique hospitalière. Dans la très grande majorité des cas, les mutations identifiées entraînent l’apparition d’un codon stop prématuré ou une délétion partielle ou complète d’un des 3 gènes CCM.

La sensibilité du criblage chez un sujet atteint d’une cavernomatose familiale est d’environ 94 % (voir supra) alors qu’elle n’est que de 57 % pour un cas sporadique avec lésions multiples.

Une fois la mutation identifiée chez un patient, la sensibilité du test atteint 100 % pour ses apparentés.

La décision de réaliser un test génétique doit être précédée d’une analyse préalable du bénéfice réel pour le sujet de ce test, particulièrement lorsqu’il s’agit d’un sujet asymptomatique. De fait l’indication de ces tests apparait très variable et varie dans différentes situations (voir chapitre suivant).

Formes familiales - Conseil génétique

Les formes génétiques de cavernomatose cérébrale (CCM) sont autosomiques dominantes. La maladie affecte aussi bien les hommes que les femmes avec une proportion de sujets atteints voisine de 50 % dans la descendance d’un sujet atteint.

La très grande majorité des patients ayant une cavernomatose d’origine génétique ont des lésions multiples en IRM cérébrale.

Pour les individus asymptomatiques, le dépistage n’est pas réalisé avant l’âge de 18 ans.

Les tests moléculaires n’ont pas d’indication chez les patients ne présentant qu’une seule lésion en IRM (séquence en écho de gradient) et n’ayant pas d’histoire familiale (forme sporadique).

Pour répondre à la demande des cliniciens et aux demandes de conseil génétique, l’Unité de génétique de l’hôpital Lariboisière a mis en place en routine une procédure diagnostique (voir rubrique génétique du site internet).  

Prise en charge - traitement

La prise en charge d’un cavernome cérébral doit faire l’objet d’une discussion au cas par cas.

Différentes options thérapeutiques peuvent être choisies :

  • l’abstention thérapeutique : c’est l’attitude la plus fréquente en cas de cavernome asymptomatique et de découverte fortuite.
  • un traitement médical : Il n’existe pas de traitement médicamenteux permettant de réduire la taille des cavernomes ou de diminuer le risque de saignement. Certains médicaments peuvent être utiles pour traiter les symptômes en relation avec la malformation. Les antiépileptiques sont le plus souvent efficaces en cas de crises d’épilepsie. Divers traitements antalgiques peuvent être proposés aux patients souffrant de céphalée.
  • un traitement chirurgical : l’exérèse chirurgicale se discute essentiellement en cas de cavernome symptomatique. L’indication chirurgicale repose sur la prise en compte de plusieurs critères. 1/ leur localisation: corticale ou juxta sous-corticale (facilement accessibles) ou en profondeur dans des régions fonctionnelle (moins accessibles). 2/ Leur mode de révélation : hémorragies, crises d’épilepsie ou déficits neurologiques focaux (par exemple, en cas de crise d’épilepsie, l’indication chirurgicale se discute surtout pour les formes pharmacorésistantes) 3/ Leur nombre : en cas de lésions multiples il est parfois difficile d’identifier le cavernome responsable de la symptomatologie.
  • le traitement radiochirurgical (Gamma knife) : Cette technique consiste à appliquer une dose de radiation centrée de façon extrêmement précise sur le cavernome. Il s’agit d’une indication d’exception parfois envisagée pour des cavernomes inaccessibles à la chirurgie et à haut risque hémorragique. La protection est incomplète et retardée et son efficacité discutée. Cette technique moins invasive que la chirurgie n’est pas dénuée de risque.

Dans tous les cas, la prescription d’un traitement anticoagulant (tels que les antivitamines K ou l’héparine) doit être réservée à des indications formelles (thrombophlébite des membres inferieurs, embolie pulmonaire, etc…). . La prise d’antiaggrégants plaquettaires (dont l’aspirine et certains anti-inflammatoires) à visée antalgique ou antipyrétique n’est par ailleurs pas recommandée. Son utilisation dans les autres indications de ce traitement doit être maintenue en raison de données très rassurantes concernant le devenir de patients porteurs de cavernomes et traités par antiaggrégant plaquettaire.Enfin, en cas de cavernome hemisphérique proche du cortex, l’éviction des situations où la survenue d’une épilepsie généralisée serait catastrophique doit être recommandée (plongée sous-marine, escalade non assurée, baignade non surveillée, parachutisme).